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INDE
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Ensemble, à la recherche de l'eau
En travaillant sur le terrain avec les communautés locales,
des fonctionnaires de l'Etat du Tamil Nadu ont su trouver, loin du
confort de leurs bureaux, des solutions à la
pénurie d'eau potable, rapporte The Hindu.
En
Inde, comme dans de nombreux autres endroits de la
planète, l'accès à l'eau est devenu
une question critique. La surexploitation a
épuisé les réserves souterraines, et
il n'est pas rare de devoir descendre à quelque 150
mètres de profondeur pour trouver la précieuse
ressource. L'incapacité des autorités
à mettre en place un système fiable de
distribution d'eau potable a considérablement
réduit l'accès à l'eau des populations
pauvres, c'est-à-dire de centaines de millions d'Indiens.
Dans de nombreux villages, des tuyaux ont été
installés par de riches propriétaires terriens
afin de la pomper pour la revendre à la population
démunie. Certains habitants tentent
désespérément de
récupérer le maximum du précieux
liquide fuyant des conduites. Quant aux réserves restantes,
elles sont, pour la plupart, contaminées par les engrais,
les pesticides agricoles et les excréments –
humains ou animaux – hautement toxiques et
véhiculant d'innombrables maladies.
Depuis plus de vingt ans, le discours dominant en matière de
distribution de l'eau consiste à dire que cette ressource
doit être extraite et commercialisée sur un
marché privé. Certains Etats ont
délégué une partie de leur pouvoir
à des organes de contrôle, lesquels se contentent
la plupart du temps d'acheter des équipements pour fournir
– officiellement – les populations en eau mais ces
mesures n'apportent en réalité aucune
amélioration concrète. De son
côté, le secteur privé ne fait
généralement pas mieux.
Face à l'urgence de la situation, des fonctionnaires et des
ingénieurs de l'Etat du Tamil Nadu [sud-est de l'Inde] ont
voulu agir. Ils se sont concentrés sur une zone comprenant
500 villages. Ils ont pris le temps d'écouter les
doléances des villageois et ont, à cette
occasion, découvert bien des souffrances directement
liées à leurs propres erreurs ou à
l'étroitesse de vue des autorités locales. Ils
sont allés de village en village, s'asseyant aux
côtés des habitants pour écouter le
récit de situations poignantes provoquées par
l'incompétence et l'indifférence du gouvernement.
Et ils ont réalisé que, bien souvent, le fait de
remplir leurs objectifs en matière de construction de
conduites n'améliorait pas le quotidien des populations.
Pour la première fois, des fonctionnaires bien
placés dans la hiérarchie ont demandé
à de simples villageois ce dont ils avaient besoin et ce
qu'ils pensaient de leurs décisions.
Les coûts liés à la pénurie
d'eau ont été considérablement
réduits
Avec chaque gram panchayat [conseil de village], les fonctionnaires,
les ingénieurs et les villageois ont formé un
koodam, un forum traditionnel dans lequel tous les membres participent
aux décisions sur un pied d'égalité,
indépendamment de leur statut social. Suivant l'avis des
koodam, les gram panchayat ont défini des principes
directeurs pour une bonne gestion des ressources en eau. Les
ingénieurs ont fourni d'innombrables conseils tant au niveau
technique que logistique. Résultat : de nombreuses
innovations ont vu le jour. Des kits de test sont maintenant largement
distribués dans les écoles, permettant aux
enfants de vérifier eux-mêmes la
qualité de l'eau. Les habitants ont osé faire
appel à d'autres services de l'Etat, certains allant
jusqu'à obtenir du responsable local des Eaux et
Forêts la permission de pénétrer dans
une zone protégée afin d'y puiser de l'eau
potable.
Les résultats sont impressionnants. Les villageois ont
impliqué dans les koodam toutes les communautés
et toutes les castes, les fonds publics ont servi à
rénover les anciens réservoirs d'eau et
à en construire de nouveaux. Des barrages de correction
– excellente méthode de
réapprovisionnement des ressources – ont
été construits le long des fossés de
drainage et surtout, l'eau est désormais
économisée. Les zones de culture de canne
à sucre ont diminué de 20 % dans certaines
régions, et la riziculture consomme beaucoup moins d'eau
grâce à l'introduction du système de
riziculture intensive (SRI) [une technique agricole inventée
à Madagascar à la fin des années 1990,
qui permet de multiplier les rendements des rizières par
quatre, voire par six, sans utiliser d'engrais]. Le niveau des nappes
phréatiques est reparti à la hausse et les
coûts liés à la pénurie
d'eau ont été considérablement
réduits.
Repères
Un
colloque international sur l'eau a été
organisé en septembre dernier en
Inde. A cette occasion, des délégations de plus
de 20 pays asiatiques
et d'Amérique latine ont visité les villages du
Tamil Nadu qui ont
réussi à démocratiser
l'accès à l'eau.
Le traitement de l'eau est
un marché prometteur : sur les 6,7 milliards d'habitants de
notre
planète, 2,6 milliards doivent se débrouiller
sans sanitaires.
De
fait, l'assainissement des eaux usées
représentera 140 milliards de
dollars d'investissements en 2016, selon l'étude annuelle de
Global
Water Intelligence, contre un peu de plus de 80 milliards de dollars
actuellement.
Les maladies diarrhéiques causées par la
consommation d'une eau polluée sont la troisième
cause de décès dus à
des maladies infectieuses. Selon un rapport de l'Organisation mondiale
de la santé (OMS) paru en 2008, elles ont causé
en 2004 plus de morts
que le sida.
source:
Courrier International du 26/11/2008
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